Jean Castex bloqué à la SNCF après la démission éclair de Sébastien Lecornu
La démission inattendue de Sébastien Lecornu en tant que Premier ministre, le lundi 6 octobre 2025 à 9h45, a stoppé net la nomination de Jean Castex à la tête de la Société Nationale des Chemins de fer Français (SNCF). Une décision qui, à première vue, ne concernait que la politique, a en réalité plongé une entreprise publique essentielle dans une nouvelle période d’incertitude. Le processus, pourtant bien avancé, a été suspendu comme un film interrompu au moment du dénouement. Et pour cause : sans gouvernement en fonction, les auditions parlementaires requises par la Constitution ne peuvent pas avoir lieu. C’est une règle technique, mais elle a des conséquences concrètes — et lourdes — pour des milliers d’employés et des millions d’usagers.
Une nomination bloquée par une règle constitutionnelle
Le 26 septembre 2025, Emmanuel Macron avait officiellement proposé Jean Castex, ancien Premier ministre (2020-2022) et président de la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP), pour succéder à Jean-Pierre Farandou à la direction de la SNCF. Une nomination logique, apparemment. L’audition devant la commission sénatoriale de l’aménagement du territoire était prévue le mercredi 8 octobre à 9h15. Elle a été annulée. Pas par caprice, mais par obligation légale. L’article 13, alinéa 5, de la Constitution française stipule clairement : « Le pouvoir de nomination du président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. » Pas de gouvernement, pas d’audition. Point final. Et ce n’est pas une formalité : c’est un garde-fou démocratique. Sans ce feu vert parlementaire, aucune nomination ne peut être validée, même si le président l’a déjà annoncée.Une crise politique qui touche aussi La Poste
Le même scénario s’est joué chez La Poste. La nomination de Marie-Ange Debon à la tête du groupe était également en cours. Le mercredi 8 octobre, les commissions des Affaires économiques de l’Assemblée nationale et du Sénat devaient désigner le rapporteur chargé d’examiner sa candidature. Rien ne s’est fait. Le Figaro le confirme : tout est suspendu « en attendant la nomination d’un Premier ministre et d’un gouvernement ». Pour l’instant, l’intérim est assuré par Philippe Bajou, directeur général délégué nommé en juin 2025, tandis que Philippe Wahl reste président du conseil d’administration. La SNCF, elle, continue avec Jean-Pierre Farandou à la barre depuis mai 2024 — soit déjà plus d’un an d’intérim. « Plus d’un an à attendre la nomination d’un nouveau patron, c’est terriblement long », souligne Le Figaro. Pour une entreprise qui gère 15 000 trains par jour, 3 milliards de voyages par an et un budget de 35 milliards d’euros, cette paralysie administrative est un risque opérationnel majeur.Le gouvernement Lecornu, le plus court de la Cinquième République
Sébastien Lecornu avait été nommé Premier ministre le dimanche 5 octobre 2025, à 22h, juste après la publication au Journal officiel de sa nouvelle équipe. Seize heures plus tard, il démissionnait. Un record. Le gouvernement Lecornu, composé de 18 membres, était déjà le plus éphémère de l’histoire de la Cinquième République. Six nouveaux ministres avaient rejoint le cabinet : Bruno Le Maire (Armées), Roland Lescure (Commerce extérieur), Eric Woerth (Budget), Naïma Moutchou (Citoyenneté), Marina Ferrari (Enfance) et Mathieu Lefèvre (Transports). Mais selon une note du Secrétariat général du gouvernement citée par Le Monde, cinq d’entre eux — dont Lescure, Moutchou, Ferrari et Lefèvre — étaient aussi députés. Ils ne toucheront donc que leur indemnité parlementaire (environ 7 000 €/mois), pas le salaire ministériel (entre 9 440 et 15 140 €). Bruno Le Maire, lui, a refusé la rémunération du ministère des Armées. Une preuve que ce gouvernement n’était pas conçu pour durer. Il était, selon plusieurs sources, un « pont » entre deux mandats, un intermède avant une refonte plus profonde. Il n’a même pas eu le temps de traverser le pont.Les conséquences se propagent
La crise ne se limite pas aux nominations. Le Sénat a suspendu ses travaux, selon Public Sénat. L’examen du budget de la Sécurité sociale, déjà retardé, est désormais en suspens. Les commissions parlementaires, qui doivent se réunir pour valider les candidatures, sont paralysées. Les entreprises publiques, elles, restent dans l’attente. Et ce n’est pas anodin. À la SNCF, les projets d’investissement dans les lignes du Grand Est et de la région Auvergne-Rhône-Alpes sont en pause. Les négociations avec les syndicats sur les conditions de travail, qui devaient reprendre en novembre, sont repoussées. « On ne peut pas prendre de décisions stratégiques avec un PDG intérimaire qui n’a pas de mandat clair », confiait un cadre de la SNCF sous couvert d’anonymat. Le même malaise règne chez La Poste, où la modernisation des centres logistiques et le déploiement du réseau de livraison verte sont en attente de feu vert.Que se passe-t-il maintenant ?
Le président Macron doit maintenant nommer un nouveau Premier ministre. Les noms circulent : Élisabeth Borne (ancienne Première ministre) est citée, ainsi que Michel Barnier ou encore Christophe Castaner. Mais aucun ne semble encore prêt à accepter le rôle de « sauveur » dans une Assemblée aussi fragmentée. Dès qu’un nouveau Premier ministre sera nommé, les auditions pourront reprendre. Mais combien de temps cela prendra-t-il ? Une semaine ? Un mois ? Pour la SNCF, chaque jour compte. Et chaque jour sans PDG désigné, c’est un peu plus de confiance perdue. Les Français, eux, ne comprennent pas pourquoi une entreprise publique doit payer le prix d’un jeu politique. « On veut des trains qui arrivent à l’heure, pas des déclarations de gouvernement », résume une voyageuse à Gare du Nord, en ce mardi matin.Frequently Asked Questions
Pourquoi la nomination de Jean Castex à la SNCF est-elle suspendue ?
La nomination ne peut pas être validée sans l’audition préalable de la commission sénatoriale, une exigence constitutionnelle (article 13, alinéa 5). Or, cette audition nécessite un gouvernement en fonction. La démission de Sébastien Lecornu a créé un vide institutionnel : sans Premier ministre, les commissions parlementaires ne peuvent pas siéger. C’est une règle technique, mais elle bloque tout le processus.
Qui dirige la SNCF en attendant ?
Jean-Pierre Farandou, nommé PDG intérimaire en mai 2024, continue d’exercer ses fonctions. Il dirige la SNCF depuis plus d’un an sans mandat officiel, ce qui limite sa capacité à engager de grands projets ou à négocier des accords durables avec les syndicats. Son pouvoir est technique, pas politique.
Quelles sont les conséquences pour les usagers ?
À court terme, pas de perturbation directe des trains. Mais à moyen terme, les investissements dans les infrastructures, les nouvelles gares et les modernisations technologiques sont gelés. Sans PDG nommé, les décisions stratégiques sont repoussées. Ce qui signifie plus de retards, moins d’innovation, et un risque accru de dégradation du service.
Pourquoi le gouvernement Lecornu a-t-il duré si peu ?
Il a été nommé le dimanche 5 octobre à 22h et a démissionné le lundi 6 à 9h45 — moins de 16 heures. Cette rapidité s’explique par un malaise politique profond : le nouveau cabinet ne disposait pas d’une majorité claire, et plusieurs ministres étaient des députés en poste, ce qui a créé des tensions. Macron l’avait sans doute conçu comme un gouvernement temporaire, mais il n’a même pas eu le temps de s’asseoir.
Quand pourra-t-on reprendre les nominations ?
Dès la nomination d’un nouveau Premier ministre et la constitution d’un gouvernement. Les auditions parlementaires pourraient alors reprendre dans les jours suivants. Mais la durée de cette transition est incertaine : les négociations entre partis sont complexes, et les candidats potentiels hésitent. La SNCF pourrait attendre plusieurs semaines, voire un mois, avant d’avoir un nouveau patron.
Est-ce la première fois qu’un gouvernement éphémère bloque une nomination ?
Non. En 2017, la démission de Bernard Cazeneuve avait retardé la nomination du président de la RATP. En 2020, un gouvernement en transition avait suspendu les nominations à la Caisse des Dépôts. Mais jamais un gouvernement n’avait duré aussi peu — et jamais une entreprise comme la SNCF n’avait été autant affectée. Cette fois, c’est la symbolique qui change : une entreprise nationale est prise en otage par la fragilité du pouvoir.